Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/360

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telle : et puis c’était madame la duchesse de… qui se portait mieux, mais qui avait pris l’air de trop bonne heure, qu’elle l’en avait querellée, que cela était effroyable : et puis c’était une repartie haute et convenable qu’elle avait faite la veille à madame une telle, qui s’oubliait de temps en temps à cause qu’elle était riche, qui ne distinguait pas d’avec elle les femmes d’une certaine façon ; et mille autres choses d’une aussi plate et d’une aussi vaine espèce qui firent le sujet de cet entretien, pendant lequel d’autres visites aussi fatigantes arrivèrent encore.

De sorte qu’il était tard quand nous en fûmes débarrassées et qu’il n’y avait point de temps à perdre pour me remener à mon couvent.

Nous nous reverrons demain, ou le jour d’après, dit ma mère, je t’enverrai chercher ; hâtons-nous de partir, j’ai besoin de repos, et je me coucherai dès que je serai revenue. Pour vous, mon fils, vous n’avez qu’à rester ici, nous n’avons pas besoin de vous. Valville se plaignit, mais il obéit ; et nous remontâmes en carrosse.

Nous voici arrivées au couvent, où nous vîmes un instant l’abbesse dans son parloir ; ma mère l’instruisit de la fin de mon aventure, et puis je rentrai.

Deux jours après, madame de Miran vint me reprendre à l’heure de midi ; vous savez qu’elle me l’avait promis ; je dînai chez elle avec Valville ; il y fut question de notre mariage. En ce temps-là même on traitait pour Valville d’une charge considérable ; il devait en être incessamment pourvu ; il n’y avait tout au plus que trois semaines à attendre ; et il fut conclu que nous nous marierions dès que cette affaire serait terminée.

Voilà qui était bien positif. Valville ne se possédait pas de joie ; je ne savais plus que dire dans la mienne ; elle m’ôtait la parole, et je ne faisais que regarder ma mère.

Ce n’est pas le tout, me dit-elle ; je vais ce soir pour huit ou dix jours à ma terre, où je vais me reposer de toutes les fatigues que j’ai eues depuis la mort de mon frère, et je suis d’avis de te mener avec moi, pendant que mon fils va