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On ouvrait déjà la porte du couvent pour recevoir la fille, qui, jetant les yeux sur cette porte ouverte et sur quelques religieuses qui l’attendaient, regarda ensuite sa mère qui pleurait, et tomba tout à coup évanouie entre ses bras.

La mère, presque aussi faible que sa fille, allait, à son tour, se laisser tomber sur la dernière marche de l’escalier qu’elles venaient de descendre, si un laquais, qui était à elle, ne s’était avancé pour les soutenir toutes deux.

Cet accident, dont nous avions été témoins, madame de Miran et moi, nous fit faire un cri, et nous nous hâtâmes d’aller à elles pour les secourir, et pour aider le laquais lui-même, qui avait bien de la peine à les empêcher de tomber toutes deux.

Eh ! vite mesdames, vite, je vous conjure, criait la mère en pleurs, et du ton d’une personne qui n’en peut plus ; je crois que ma fille se meurt.

Les religieuses qui étaient à l’entrée du couvent, bien effrayées, appelaient de leur côté une tourière, qui vint en courant ouvrir un petit réduit, une espèce de petite chambre où elle couchait, et qui, par bonheur, était à côté de l’escalier du parloir.

Ce fut là que l’on tâcha de porter la demoiselle évanouie ; nous entrâmes avec la mère, que madame de Miran soutenait, et à qui on craignait qu’il n’en arrivât autant qu’à sa fille.

Valville, ému de ce spectacle qu’il avait vu aussi bien que nous du carrosse où il était resté, oubliant qu’il ne devait pas se montrer, en sortit sans aucune réflexion, et vint dans cette petite chambre.

On y avait mis la demoiselle sur le lit de la tourière, et nous la délacions cette tourière et moi, pour lui faciliter la respiration.

Sa tête penchait sur le chevet ; un de ses bras pendait hors du lit, et l’autre était étendu sur elle, tous deux (il faut que j’en convienne), tous deux d’une forme admirable.

Figurez-vous des yeux qui avaient une beauté particulière à être fermés.