Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/365

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part et d’autre, que l’effet d’un empressement secourable pour la demoiselle ; et il se disposait encore à lui faire respirer de cet élixir, quand la jeune personne, soupirant, ouvrit tout à fait les yeux, souleva sa main que je tenais, et la laissa retomber sur le bras de Valville, qui la prit, et qui était toujours à genoux devant elle.

Ah ! mon Dieu, dit-elle, où suis-je ? Valvilte gardait cette main, la serrait, ce me semble, et ne se relevait pas.

La demoiselle, achevant enfin de reprendre ses esprits, l’envisagea plus fixement aussi, lui retira tout doucement sa main sans cesser d’avoir les yeux sur lui ; et comme elle devina bien au flacon qu’il avait, qu’il s’était empressé pour la secourir : Je vous suis obligée, monsieur, lui dit-elle : où est ma mère ? est-elle encore ici ?

Cette dame était au chevet du lit, assise sur une chaise où on l’avait placée, et où elle n’avait eu jusque-là que la force de soupirer et de pleurer.

Me voilà, ma chère fille, répondit-elle avec un accent un peu étranger. Ah, Seigneur ! que vous m’avez effrayée, ma chère Varthon ! Voici des dames à qui vous avez bien de l’obligation, aussi bien qu’à monsieur.

Et observez que ce monsieur demeurait toujours dans la même posture ; je le répète à cause qu’il m’ennuyait de l’y voir. La demoiselle, bien revenue à elle, jeta d’abord ses regards sur nous, ensuite les arrêta sur lui ; et puis, s’apercevant du petit désordre où elle était, ce qui venait de ce qu’on l’avait délacée, elle en parut un peu confuse, et porta sa main sur son sein. Levez-vous donc, monsieur, dis-je à Valville ; voilà qui est fini, mademoiselle n’a plus besoin de secours. Cela est vrai, me répondit-il comme avec distraction, et sans ôter les yeux de dessus elle. Je voudrais bien me lever, dit alors la demoiselle en s’appuyant sur sa mère qui l’aida du mieux qu’elle put. J’allais m’en mêler et prêter mon bras, quand Valville me prévint et avança précipitamment le sien pour la soulever.

Tant d’empressement de sa part n’était pas de mon goût ; mais de dire pourquoi je le désapprouvais, c’est ce que je