Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/375

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mère ? Il vaudrait donc mieux que je mourusse aujourd’hui, lui répondis-je la larme à l’œil.

Paix, me repartit-elle ; n’est-il pas naturel que je finisse avant vous ? Qu’est-ce que cela signifie ? C’est l’extravagance de votre papier qui est cause de ce que je vous dis là ; songeons à vivre, et hâte-toi de guérir, de peur que Valville ne soit malade. Je t’avertis qu’il ne s’accommode point de ne te plus voir. (Notez que je lui en avais toujours demandé des nouvelles.)

Elle en était là quand mademoiselle Varthon et le médecin entrèrent. Celui-ci me trouva fort tranquille et hors d’affaire, à ma faiblesse près ; de façon que ma mère ne vint plus, et se contenta les jours suivants d’envoyer savoir comment je me portais, ou de passer au couvent pour l’apprendre elle-même ; et le lendemain ce fut Valville qui vint de sa part.

Je n’ai pas songé à vous dire que madame de Miran, durant ses visites, avait toujours extrêmement caressé mademoiselle Varthon, et qu’il était arrêté que nous irions, cette belle étrangère et moi, dîner chez elle, aussitôt que je pourrais sortir.

Or, ce fut à cette demoiselle que Valville demanda à parler, tant pour s’informer de mon état, et pour lui faire à elle-même des compliments de la part de sa mère, que pour s’acquitter d’un devoir de politesse envers cette jeune personne, à qui la bienséance voulait qu’il s’intéressât depuis le service qu’il lui avait rendu. Mademoiselle Varthon était dans ma chambre, lorsqu’on vint l’avertir qu’on souhaitait lui parler de la part de madame de Miran, sans lui dire qui c’était.

C’est apparemment vous que cela regarde, me dit-elle en me quittant pour aller au parloir ; et je ne doutai pas en effet que je ne fusse l’objet ou de la visite ou du message.

Il est pourtant vrai que Valville n’avait point d’autre commission que celle de s’informer de ma santé, et que ce fut lui qui imagina de demander mademoiselle Varthon, à qui