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ma mère lui avait simplement dit de faire ses compliments, et voilà tout.

Il se passa bien une demi-heure avant que mademoiselle Varthon revînt. Vous remarquerez qu’il n’avait plus été question avec elle de la suite de mes aventures, depuis le jour où je lui en avais conté une partie, et qu’elle ignorait totalement que j’aimais Valville et que je devais l’épouser ; elle avait été indisposée dès le jour de son entrée au couvent ; deux jours après j’étais tombée malade ; il n’y avait pas eu moyen d’en revenir à la continuation de mon histoire.

Comment, donc ! me dit-elle, en rentrant d’un air content, vous ne m’avez pas dit que ce jeune homme, d’une si jolie figure, qui me secourut avec vous dans mon évanouissement, était le fils de madame de Miran, que j’ai vue depuis si souvent ici, et qui vous aime tant ! Savez-vous bien que c’est lui qui m’attendait dans le parloir ?

Qui ? M. de Valville ? répondis-je avec un peu de surprise. Eh ! que vous voulait-il ? Vous avez été bien longtemps ensemble. Un quart d’heure à peu près, reprit-elle ; il venait, comme on me l’a dit, de la part de sa mère, savoir comment vous vous portez ; elle l’avait aussi chargé de quelques compliments pour moi, et il a cru de son côté me devoir une petite visite de politesse.

Il avait raison, lui répondis-je d’un air assez rêveur ; ne vous a-t-il pas donné de lettre pour moi ? madame de Miran ne m’a-t-elle point écrit ? Non, me dit-elle, il n’y a rien.

La-dessus quelques pensionnaires de mes amies entrèrent, qui nous firent changer de conversation.

Je fus cependant étonné que madame de Miran ne m’eût point écrit : non pas que son silence m’inquiétât, ni que j’attendisse une lettre d’elle ; car il n’était pas nécessaire qu’elle m’écrivît, je l’avais vue la veille ; on lui apprenait que je me portais toujours de mieux en mieux, et il suffisait bien qu’elle envoyât savoir si cela continuait ; il n’en fallait pas davantage.