Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sceptique, l’autre observateur bienveillant. Fontenelle, écrivain laborieux ; Marivaux, écrivain non moins laborieux, mais moins tendu, et qui eût été bien malheureux s’il lui avait fallu être aussi solennel que son confrère. L’un et l’autre ils ont écrit à leur façon, ils ont obéi à leur instinct ; ils n’ont pas eu de maîtres, ils n’ont pas laissé de disciples ; si bien que pour savoir comment écrivaient Fontenelle et Marivaux, vous ne le saurez que dans leurs écrits ; ils sont eux-mêmes, ils ne sont que cela, il est vrai, mais ils le sont bien.

Comment se fait-il que cet homme si modeste et si pauvre, cet ingénieux talent qui n’a jamais été apprécié à sa juste valeur de son vivant, soit entré à l’Académie française avant Voltaire ? d’où vient que le prince et le dominateur du dix-huitième siècle, dont l’ironie a tout brisé, ait été obligé de céder le pas à l’inventeur de la comédie métaphysique, comme disait Voltaire ? Voilà certainement ce que nous ne pourrions expliquer. À coup sûr, ce n’est pas l’intrigue qui devait ouvrir les portes de l’Académie à l’auteur de Marianne ; il a même attendu fort longtemps cet honneur, qu’il n’osait guère espérer. — Je manque d’adresse et de bonheur, disait-il ; il y a un secret pour arriver que je ne saurai jamais : il y en a qui ont des amis pour entrer là ; moi, je n’ai que mes ouvrages. — Et cependant il est entré à l’Académie française avant Voltaire. Vous pensez bien que les envieux et les ennemis de Marivaux trouvèrent que cette fois Marivaux était trop heureux. Toujours est-il que ce fut une bonne nouvelle répandue dans le public. Le public s’était mis à aimer cet homme fécond autant que modeste, à qui il devait toutes sortes de douces joies, de sages leçons, de faciles plaisirs. Aussi, quand le jour de sa réception fut arrivé, la foule fut grande à l’Académie