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muet : Ayez donc la bonté de me répondre, monsieur, lui dis-je ; que me prescrivez-vous ?

Mademoiselle, comme il vous plaira. J’ai tort ; je ne saurais parler. Ce fut là toute sa réponse.

Il aurait cependant été nécessaire de voir ce que je dirai, ajoutai-je encore d’un air franc et pressant ; mais il se tut, il n’y eut plus moyen d’en tirer un mot.

Mademoiselle Varthon, qui s’était détachée de nos deux dames, approchait pendant qu’elles se promenaient.

Monsieur, lui dis-je, dans l’incertitude où vous me laissez du parti que je dois prendre, j’en agirai avec le plus de discrétion qu’il me sera possible, et il ne tiendra pas à moi que tout ceci ne réussisse au gré de vos désirs.

Comme il restait toujours muet, et que j’allais le quitter après ce peu de mots, mademoiselle Varthon, qui était déjà à l’entrée du cabinet, feignait d’être surprise de nous trouver là ; elle semblait craindre de nous interrompre.

Je vous demande pardon, nous dit-elle en se retirant ; je ne savais pas que vous étiez encore ici, et vous croyais descendus dans le jardin.

Vous êtes bien la maîtresse d’entrer, mademoiselle, lui dis-je ; voilà notre entretien fini, et vous auriez pu en être ; monsieur est témoin qu’il ne s’y est rien passé contre vous.

Qu’appelez-vous contre moi ? répondit-elle ; eh ! mais vraiment, mademoiselle, je n’en doute pas ; quel rapport y a-t-il de vos secrets à ce qui me regarde ?

Je ne répliquai rien, et je sortis du cabinet pour retourner auprès de ces dames, qui, de leur côté, venaient à nous ; de façon que nos deux amants que je laissais ne purent tout au plus demeurer qu’un moment ensemble.

Je ne sais ce qu’ils se dirent mais je les entendis qui me suivaient, et, en prêtant l’oreille, il me sembla que mademoiselle Varthon parlait assez bas à Valville.

Pour moi, je revenais tout émue de ma petite expédition, mais je dis agréablement émue : cette dignité de sentiments que je venais de montrer à mon infidèle, cette honte et