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qu’importe ? Notre vanité n’entre point là-dedans, et n’en continue pas moins ses fonctions : elle est faite pour réparer d’un côté ce que nos afflictions détruisent de l’autre ; et enfin on ne veut pas tout perdre.

Me voici donc entrée dans le parloir ; je vis un homme d’environ cinquante ans au plus, de bonne mine, d’un air distingué, très bien mis, quoique simplement, et de la physionomie du monde la plus franche et la plus ouverte.

Quelque politesse naturelle qu’on ait, dès que nous voyons des gens dont la figure prévient, notre accueil a toujours quelque chose de plus obligeant pour eux que pour les autres. Avec ces autres, nous ne sommes qu’honnêtes ; avec ceux-ci, nous le sommes jusqu’à être affables ; cela va si vite, qu’on ne s’en aperçoit pas ; et c’est ce qui m’arriva en saluant cet officier. Je n’eus pas affaire à un ingrat ; il n’aurait pu, à moins que de se récrier, se montrer plus satisfait qu’il le parut de ma petite personne.

J’attendis qu’il me parlât. Mademoiselle, me dit-il après quelques révérences, et me présentant le billet de ma mère, voici ce que madame de Miran m’a chargé de vous remettre ; il était question de vous envoyer quelqu’un, et j’ai demandé la préférence.

Vous m’avez fait bien, de l’honneur, monsieur, lui répondis-je en ouvrant le billet que j’eus bientôt lu. Oui, monsieur, ajoutai-je ensuite, madame de Miran me trouvera prête, et je vous rends mille grâces de la peine que vous avez bien voulu prendre.

C’est moi qui dois remercier madame de Miran de m’avoir permis de venir, me repartit-il. Mais, mademoiselle, il n’est point tard ; ces dames n’arriveront pas sitôt ; pourrais-je, à la faveur de la commission que j’ai obtenue, espérer de vous un petit quart d’heure d’entretien ? Il y a longtemps que je suis des amis de madame de Miran et de toute la famille ; je dois dîner aujourd’hui avec vous ; ainsi, vous pouvez d’avance me regarder comme un homme de votre connaissance ; dans deux heures je ne serai plus un étranger pour vous.