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Marivaux, où le doute était à la mode, où Montaigne, plus encore que Bayle et Voltaire, avait dressé le XVIIIe siècle à ne rien croire, Marivaux ne se donna pas tant de peine pour s’agiter dans le vide. Il resta fidèle tout simplement à la croyance dans laquelle sa femme était morte, dans laquelle sa fille vivait encore. L’incrédulité lui faisait mal et lui faisait peur. À aucun prix il n’eût voulu être intolérant, mais en revanche il n’eut pas fallu railler devant lui une religion qui comptait dix-huit siècles de combats et de victoires. « Laissez-nous croire, disait-il aux philosophes. Quel mal cela vous fait-il ? Ne nous ôtez pas, à nous autres pauvres gens, cette consolation et cette espérance ; laissez-nous aller tout droit notre chemin. Quant à vous, suivez le vôtre ; mais il vous mènera bien moins loin que vous ne pensez. » Brave homme, digne homme ! s’il était recherché dans son langage et dans son style, au moins n’était-il pas précieux et recherché dans sa croyance. Il était tout simplement un humble disciple de l’Évangile, plein de foi, de charité et d’espérance. Il ne rougissait ni ne se glorifiait de son titre de chrétien. Sa métaphysique de sentiment et de style, il y renonçait bien volontiers quand il fallait parler des mystères sérieux ; et comme un jour on leur demandait, à lui et à M. de Fontenelle, ce que c’est que l’âme : « Je sais, dit Marivaux, que l’âme est spirituelle et immortelle, je n’en sais rien de plus. Quant à Fontenelle, il a trop d’esprit pour en savoir là-dessus plus que moi. »

Il mourut le 12 février 1763, à l’âge de soixante-quinze ans. Sa vieillesse avait été austère et silencieuse, sa mort fut résignée et chrétienne. L’ennui s’était emparé de cet aimable esprit, comme il arrive d’or-