Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/102

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situation eût été non pas critique mais désespérée ; mais aucun d’eux n’en avait le désir ; notre commerce était trop nécessaire à l’équilibre de leurs budgets. Le rôle de nos troupes consistait à imposer le respect et à réprimer quelques désordres plutôt qu’à s’opposer à une attaque contre laquelle on reconnaissait d’avance son impuissance. Les recrues de France, rassemblées au hasard et souvent par violence, comblaient les vides mais ne relevaient point, même pour une durée momentanée, la valeur morale des effectifs. La plupart de ces hommes ne savaient pas en s’embarquant les premiers éléments de leur métier ; on commençait à les instruire pendant la traversée et à leur débarquement c’est à peine si la moitié était propre pour le service. Aussi ne faut-il pas s’étonner que Dupleix ayant eu, à partir de 1746, à faire des opérations militaires effectives, les ait en général si mal réussies. Les hommes ne valaient rien[1].

Les officiers étaient à peine supérieurs. Ils étaient souvent recrutés à la base parmi les « indésirables » de France, parmi les jeunes gens dont les familles, lasses de leurs incartades, ne voulaient plus entendre parler. Tel du Saussay, fils d’un lieutenant d’artillerie, admis comme page du duc d’Orléans, qui dépouillait sa mère

  1. Nos soldats comme nos instructeurs ne devaient pas être mis à la disposition des princes indiens. Les Anglais étaient d’accord avec nous sur ces dispositions pleines de sagesse et de prudence, et il n’y avait pas encore trop de mercantis ni d’hommes d’affaires pour les transgresser, au détriment des intérêts de leur nation. Comme cependant le nabab d’Arcate, notre voisin le plus proche, insistait fortement pour que nous lui fournissions quelques canonniers, il nous arriva parfois de lui envoyer quelques aides-canonniers, afin de ne pas paraître lui opposer d’éternels refus. Il est remarquable, au surplus que, lorsque quelques années plus tard nos aventuriers commencèrent à se répandre dans toute l’Inde et offrirent leurs services à divers princes en mal d’aventures, leurs conseils furent rarement écoutés et suivis.