Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/210

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Il semble pourtant que Fournier ait eu quelque pressentiment que les choses pourraient se passer dans l’Inde autrement qu’on ne s’y attendait, car il terminait son mémoire en demandant au roi de vouloir bien prêter à la Compagnie quatre de ses vaisseaux ; elle les armerait à ses frais dans le plus grand mystère, comme s’ils devaient aller croiser en Amérique, mais en réalité ils partiraient pour l’Inde, où ils serviraient d’escorte à huit vaisseaux de commerce que la Compagnie se proposait d’y envoyer à la fin de l’année.

Ce projet ne fut pas agréé. Après avoir manifesté une défiance excessive des Anglais en 1741, le ministre s’imaginait maintenant qu’ils ne troubleraient pas la paix dans l’Inde. Il craignit d’autre part d’engager la Compagnie dans de trop fortes dépenses, car c’était elle qui payait l’armement des vaisseaux que le roi lui prêtait. Et comme elle se proposait d’envoyer prochainement huit bâtiments dans l’Inde, cette force jointe à celle qui venait de partir parut suffisante à Orry pour contenir les Anglais, même s’ils s’étaient déclarés contre nous.

Cependant, si l’on voulait porter un coup sensible à la puissance de nos ennemis dans l’Inde, c’était le moment d’agir. Différer de les attaquer avec toutes nos forces c’était rendre le succès plus difficile et plus coûteux. Peut-être même l’occasion la plus favorable était-elle déjà passée ; c’est au début de 1744, au moment où la guerre fut imminente, qu’il fallait faire l’effort nécessaire. Ainsi avaient agi les Anglais qui, dès les premiers jours des hostilités, avaient saisi nos meilleurs vaisseaux. La faute du roi et de ses ministres est, par souci d’économie, de n’avoir pas engagé tout de suite les finances de la Compagnie ou celles de l’État.

Il serait d’ailleurs excessif d’ajouter que si l’on eut