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gnie ». (A. C. C2 29, p. 26[1]). La Bourdonnais exécuta ces ordres avec le sentiment que l’on faisait une faute et demanda son rappel[2].

Faute grave assurément, si la guerre devait prochainement éclater ; mais qu’en savait La Bourdonnais ? qu’en savait le ministre lui-même ? Comme la paix se prolongea plus de deux ans encore, ce n’est pas à la prudence tardive d’Orry qu’il faut s’en prendre ; il faut plutôt regretter que l’affaire ait été conçue et exécutée à l’origine avec trop de légèreté ou d’inconséquence. On eut dit qu’au lieu de diriger les événements, le ministre en suivait les impulsions ou les caprices, en homme qui cherche sa voie dans la nuit.

Seize mois après avoir donné l’ordre de faire revenir l’escadre, Orry reconnaissait (lettres des 16 et 20 mars 1743), qu’on avait agi avec trop de précipitation et il espérait encore que ses propres instructions n’auraient pas été complètement exécutées. Pour calmer les légitimes susceptibilités de La Bourdonnais et lui témoigner en même temps la bonne opinion qu’on avait de ses services, le ministre, non seulement ne le rappelait pas en France, mais il lui réservait le gouvernement intérimaire de l’Inde, dans le cas où il arriverait quelque accident à

  1. Deux d’entre eux, le Fleury et le Brillant, furent détachés à Pondichéry, qui reçut ainsi cinq navires de France au lieu de trois, sans avoir assez de marchandises pour les charger tous les cinq.
  2. La Compagnie eût désiré que ses navires ne revinssent pas tous en 1742, pour qu’on eût le temps de leur faire passer des fonds destinés à acheter des marchandises et qu’ainsi l’expédition ne fut pas en pure perte. Elle décida en conséquence que s’ils étaient à l’Île de France ou si ceux de Chine y arrivaient avant le 20 mars 1742, on les ferait repartir sur-le-champ pour France, mais que s’ils étaient encore dans l’Inde ou si les vaisseaux de Chine n’étaient pas arrivés à temps pour doubler le Cap de Bonne Espérance, ces derniers passeraient aussi dans l’Inde où le Conseil Supérieur ferait l’impossible pour leur procurer des marchandises.