Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/297

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ministre, mais pour ce motif même il croyait ne devoir s’y déterminer que dans le cas d’une réussite morale et qui ne put lui attirer aucun échec. Or, il craignait l’arrivée de l’escadre anglaise, pendant qu’il serait occupé aux travaux du siège : dans ce cas, elle pouvait prendre ou brûler nos navires, dégager Madras et ce serait un mal irréparable pour la Compagnie. Comme l’expédition de Madras ne lui était pas commandée, ne pourrait-on pas alors lui reprocher de l’avoir entreprise ? Il proposait néanmoins de l’exécuter, mais par voie de terre, ses vaisseaux restant à Pondichéry sous la protection des canons de la ville. Le pis qui put arriver fut qu’on ne prit pas Madras ; mais l’important n’était-il pas de sauver d’abord notre escadre ?

Le lendemain, la Bourdonnais descendit à terre et se rendit au gouvernement dans un palanquin fermé. Les précautions les plus rigoureuses avaient été prises pour que rien ne vint troubler son entretien avec Dupleix : on avait mis des fusiliers tout autour du palais et au coin des rues environnantes et il était formellement interdit d’aller au bord de la mer.

Le gouverneur lui demanda pourquoi il ajournait l’expédition de Madras. La Bourdonnais répondit que si des instructions lui prescrivaient d’attaquer les vaisseaux anglais partout où il pourrait les rencontrer, elles ne s’étendaient pas aux opérations à terre ; il se déclarait toutefois prêt à les entreprendre, s’il en recevait du Conseil l’ordre écrit. Il fut aisé à Dupleix de lui faire valoir qu’il n’y avait aucune raison de le provoquer, puisqu’on s’en passait depuis deux ans. Mais la Bourdonnais, on ne sait pourquoi, tenait à son idée qui était au moins malencontreuse, car elle se conciliait mal avec le droit qu’il prétendait avoir de tout régler à lui seul selon les ordres du