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sentait toutefois la nécessité d’obliger l’escadre anglaise à laisser la mer libre pour le passage de nos vaisseaux marchands et sans vouloir se prononcer sur la priorité ni l’importance de l’expédition de Madras, comme le désirait la Bourdonnais, il lui dit simplement qu’il serait fâcheux, honteux même pour la nation, d’abandonner les seuls moyens qui puissent obliger la flotte ennemie à entrer en ligne.

Ce n’était certainement pas faciliter la tâche de la Bourdonnais que de répondre à sa question par une sorte de fin de non-recevoir ; mais le Conseil n’entendait pas non plus l’entraver. Des bruits qui coururent le même jour, modifièrent soudain sa résolution. La Bourdonnais aurait dit à qui voulait l’entendre qu’il était prêt à marcher sur Madras mais que c’était le Conseil qui l’arrêtait, et il donnait ouvertement lecture de sa lettre. Le Conseil se trouvait ainsi en fâcheuse posture ; si l’expédition ne se faisait pas, c’était sa faute ; à lui la timidité, à la Bourdonnais l’audace.

Le Conseil sentit le risque où il s’exposait et plutôt que d’accepter le blâme dont on voulait le couvrir, il prit dès le lendemain matin 27 août une nouvelle délibération en vertu de laquelle il somma la Bourdonnais de la part du roi de choisir l’un des deux partis exposés en sa lettre, à peine « de répondre en son propre et privé nom de tout ce qui pourra arriver par la suite et des dépenses immenses que son projet sur Madras depuis si longtemps médité et conduit au point de l’exécution, a occasionnées à la Compagnie ». Si la maladie l’empêchait d’agir lui-même, comme il n’y avait plus de temps à perdre, le Conseil jugeait M. de la Porte Barré capable d’exécuter celui des partis qui serait choisi. Une délégation composée de d’Espréménil, Barthélemy et Bruyère, alla aussitôt lui porter cette délibération.