Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/302

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guère ni à l’un, ni à l’autre de montrer de l’humeur… Ne nous aigrissons point, tort ou raison, tirons de nos forces ce que nous en pouvons tirer. Pour être en désaccord sur un point, faut-il nous contredire en tout ? Quand ce ne serait que par bienveillance, paraissons unis. »

Paroles éminemment sages si elles étaient vraiment sincères ! Mais chacun jouait son rôle et tenait à le bien jouer. La réponse de Dupleix fut plutôt conciliante ; il ne releva l’aigreur dont se plaignait la Bourdonnais que pour la qualifier de prudence et de sagesse. Cependant par manière de transaction il consentit à ne demander que le renvoi de 125 blancs, 50 topas, et la moitié des officiers. La Bourdonnais comprit qu’il était inutile d’insister et les renvoya aussitôt, avec une lettre qui finissait par ces mots :

« Il faut se prêter autant que je le fais, pour résister en moins d’un jour à 15 heures de fièvre, donner des ordres à toute une escadre, répondre à trois lettres comme les vôtres, à une sommation et pour comble sacrifier au bien de l’État le mouvement vif que doit produire la façon dont on traite avec moi. »

Le soir même l’escadre partait pour balayer la rade de Madras sous la conduite de La Porte Barré.

Comme l’avait prévu la Bourdonnais, ce chef improvisé fut tout à fait inférieur à sa mission. Il n’osa franchement attaquer la ville où tout était dans la confusion la plus grande. On n’avait jamais pensé que les Français réaliseraient leurs menaces et on n’avait pris aucune mesure pour la défendre. Lorsque le danger fut certain, les banians ou négociants indigènes évacuèrent en partie leurs marchandises ou leurs richesses. Avec huit navires et un peu d’audace, on pouvait peut-être tout terminer d’un coup et la Porte Barré se fut couvert d’une gloire immortelle. Comme après avoir livré un simulacre de