Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

subit Paradis et ses troupes ; celles des îles eussent d’ailleurs été insuffisantes.

Madras tombé, il estima qu’il pouvait reprendre sa liberté d’action. Les instructions secrètes qu’il avait reçues en 1741 ne lui disaient-elles pas : « Il est expressément défendu au sieur de la Bourdonnais de s’emparer d’aucun établissement ou comptoir des ennemis pour le conserver. » Cet ordre, la Bourdonnais le considérait comme de la dernière importance, et c’est en s’y conformant strictement qu’il crut pouvoir promettre aux Anglais un traité de rançon sans en référer à Pondichéry.

Mais cet ordre avait-il la portée absolue que la Bourdonnais lui attribuait ? Outre qu’en fait les instructions militaires vieillissent vite et qu’un chef véritablement digne de ce nom doit toujours les adapter aux circonstances, d’autres instructions, données ultérieurement à la Bourdonnais, l’autorisaient à changer ses plans s’il le jugeait convenable aux intérêts de la Compagnie et « même à prendre tout autre parti quel qu’il fût ».

La Bourdonnais n’était donc lié, lors de la capitulation de Madras, que par des considérations de bon sens et d’opportunité. Et c’est là que se reconnaît l’homme supérieur : un général victorieux peut être un bon général, mais celui qui, malgré les ordres de son gouvernement, poursuit ses succès, réduit l’ennemi à l’impuissance, assure ainsi la sécurité de son pays pour de longues années, celui-là est véritablement grand. C’est pourquoi, bien qu’il fut couvert par des instructions que nul ne contestait, les uns ont reproché à la Bourdonnais de s’être trompé et les autres d’avoir trahi.

Avant de voir ce que valent ces reproches, examinons s’il avait le droit de prendre des résolutions relatives au sort de Madras, sans s’être entendu avec Dupleix.