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En l’absence de toute instruction spéciale à une entreprise contre Madras, l’une et l’autre thèse peut également se soutenir et les premières apparences sont que la Bourdonnais avait ce droit : le ministre l’avait laissé libre de diriger ses expéditions militaires comme il l’entendrait. Mais l’expédition avait cessé avec la prise de Madras : le règlement du sort de la ville était une autre question.

Ce fut sur cette question que la Bourdonnais et Dupleix ne purent s’entendre. La Bourdonnais ne mettait pas en doute que si l’on eut conservé Madras comme une colonie française, elle n’eut été du ressort du gouvernement de Pondichéry ; mais jusqu’à ce qu’on eut pris un parti à ce sujet — et il estimait avoir seul qualité pour le prendre — nul autre que celui qui l’avait conquise n’y devait commander (Mémoire, n° 70).

Sans s’embarrasser de ce distinguo juridique Dupleix soutenait au contraire que du jour où la ville avait été prise par les soldats et les marins du roi, lui seul avait le droit d’en fixer le sort et d’y donner des ordres.

Si l’on se fût trouvé en France ou en Europe, le différend eut été très simplement tranché par l’intervention directe du ministre ou du roi ; mais on était à huit mois de la métropole, près de deux ans avant la réponse, et il fallait prendre des résolutions immédiates. C’est alors qu’à défaut du droit écrit intervient le droit naturel et que le bon sens trace une ligne de conduite.

Or, sans former un bloc compact, nos établissements de l’Inde constituaient cependant une unité morale, politique et administrative, dont Dupleix était le chef, et par sa chute Madras s’y ajoutait nécessairement, au moins jusqu’à la paix, au même titre que dans une guerre toute place prise fait momentanément partie du domaine de la nation victorieuse. Il n’était donc pas besoin pour