Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/326

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Dupleix d’avoir des pouvoirs spéciaux pour intervenir au moment de la reddition de Madras ; comme dépositaire de l’autorité royale, il avait tout pouvoir pour exprimer une opinion et au besoin l’imposer. D’ailleurs la Bourdonnais ne lui avait-il pas en quelque sorte reconnu ce droit, d’abord en exigeant de lui un ordre pour engager l’expédition, ensuite en acceptant son concours militaire, enfin en demandant le conseiller d’Espréménil avec mission de veiller aux intérêts de la Compagnie après la prise de Madras ? L’expédition ainsi engagée devait suivant la logique se continuer avec le même concert comme entre gens de bonne foi.

Pourquoi en fut-il autrement ? On l’a déjà indiqué : avant le départ de l’escadre, Dupleix n’osa donner des instructions à la Bourdonnais, par crainte de compromettre le principe même de l’expédition, et quand Madras fut pris, la Bourdonnais en disposa tout seul, simplement pour ne pas reconnaître l’autorité de son rival.

Il eût été assurément préférable que les deux hommes se fussent entendus d’avance ; il eut pu en résulter pour la nation d’autres entreprises, également heureuses, mais les deux caractères ne sympathisaient pas et en toutes choses l’homme suit d’abord son tempérament. L’histoire seule reconnaît après coup que des fautes ont été commises et en détermine l’importance ; mais on peut être assuré qu’avant de les commettre, les civils, militaires ou marins, auxquels il arrive souvent de se quereller pour la défense de leurs prérogatives, ne s’inspirent pas d’un autre désir que celui d’assurer à la lettre le respect des lois et règlements auxquels ils se figurent que l’existence de l’État est attachée par une sorte de nécessité. Seuls, quelques esprits un peu sceptiques et désabusés savent voir plus haut, plus juste et plus loin.