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Lorsque cette lettre arriva à Madras le 30 septembre, à cinq heures du soir, la Bourdonnais se trouvait avec Friell. Pendant qu’il la lisait, nous dit celui-ci, il soupirait de temps en temps. Après en avoir achevé la lecture, il se mit à pleurer comme un enfant, puis à méditer et à verser de nouvelles larmes ; enfin il fit paraître tout le désespoir d’un coupable qu’on mène au supplice. Eh bien, dit-il, s’il le faut, qu’on me mène à l’échafaud, j’ai cru bien faire, je mérite punition ; je porterai mon désintéressement et mon innocence au pied du trône ; je n’ai pas cru devoir traiter les Anglais qui sont de bonnes gens avec la dernière rigueur. Il se remit encore à pleurer avec une émotion qui eut été digne de pitié, si on le pouvait croire un moment. « Il retint ainsi Friell jusqu’à sept heures du soir, et ne reparut en public qu’après s’être remis du trouble où il avait été jeté.

« Il faut qu’un homme soit bien petit, conclut Friell pour qu’il puisse en si peu de temps passer de la fureur et de la rage à la bassesse. Mon Dieu ! que ce petit esprit est indigne du poste honorable qu’il occupe. »

Telle est l’impression que cette scène fit sur Friell et dont il rendit compte à Dupleix le 2 octobre. ((A. C., C2 81, p. 157-158 et 289-291). D’autres pourront en juger autrement. On peut même ne pas prendre tout à fait à la lettre le récit qu’on vient de lire.

Si la Bourdonnais fut touché aussi profondément que nous le dit Friell, l’émotion qui s’empara de lui ne resta pas longtemps aussi vive et le soir même il répondit à Dupleix par une lettre courtoise assurément, confiante même, mais néanmoins un peu réservée. Peut-être avait il quelque raison de ne pas croire à la sincérité complète de l’appel qui lui était adressé :

« Je vous remercie autant que je le puis et que je le