Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La crainte de l’entreprendre ou l’impossibilité de le réussir devaient mettre les députés dans la nécessité de reconnaître en fait l’autorité de la Bourdonnais, sous peine d’être obligés quitter de la ville, et ils n’avaient pas d’instructions à cet égard. Ils restèrent donc tranquilles l’après-midi du 2 et toute la journée du lendemain et se bornèrent à suggérer à Dupleix de venir lui-même à Madras pour « terrasser le prévaricateur » ; Dupleix par sa présence seule pourrait en imposer aux troupes des Îles ; mais ils ne croyaient guère qu’il prît cette résolution, et ils ne se trompaient pas.

Le Conseil provincial ne reculait donc pas a priori devant une sorte de guerre civile et toutes les instructions de Dupleix tendaient au moins à un coup d’éclat. La Bourdonnais en eut le pressentiment au cours de l’entrevue du 2 octobre et pour prévenir la catastrophe ou l’accident, il prit le parti de se débarrasser des troupes de Pondichéry, devenues l’espoir du Conseil provincial. Le bruit qui se répandit alors qu’on venait de voir de gros vaisseaux du côté de Paliacate, sans qu’on sût à quelle nation ils appartenaient, fut le prétexte qui favorisa l’exécution du projet. Il était naturel qu’on embarquât des troupes pour fortifier l’escadre, et comme, par un simple hasard, elles devaient normalement se trouver assemblées le lendemain 3 octobre, pour célébrer la fête de La Bourdonnais, celui-ci ordonna d’embarquer au plus vite cinquante hommes sur chacun des sept navires et choisit de préférence les troupes de Pondichéry. L’ordre fut exécuté sans autre opposition que celle d’un lieutenant nommé Changeac, qui vit tout de suite le but que l’on voulait atteindre et courut au bord de la mer l’épée à la main pour empêcher les soldats de s’embarquer. Il fut aussitôt arrêté et l’opération s’acheva sans aucune difficulté.