Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/384

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que vous preniez le parti le plus convenable à la Compagnie et à l’honneur de la nation. » (Mémoire, n° 179).


Que de scepticisme en ces paroles ! Mais qui était dupe ? Personne, pas même les Anglais. Ils l’avaient révélé en confiant leurs craintes à d’Espréménil ; quant à la Bourdonnais il n’avait plus d’illusions depuis le jour où il était entré dans la voie des concessions et nous rappellerons pourquoi il y entra. Ce fut d’abord la nécessité de ne pas prolonger son séjour dans l’Inde, s’il voulait ramener en France avant la fin de l’année les marchandises que la Compagnie attendait ; ce fut ensuite la crainte de se trouver en opposition avec les vues du nouveau ministre, s’il s’obstinait dans une interprétation d’ordres qui risquait de ne pas être admise ; ce fut enfin la dispersion de son escadre qui affaiblit ses forces et le mit dans l’impossibilité d’imposer sa volonté à Dupleix. Dans la lutte qu’il soutint, il resta toujours maître de sa plume et repoussa en général avec modération les attaques parfois très vives et souvent désobligeantes dont il fut l’objet. Mais modération n’est pas toujours signe de force et nous avons vu plus haut que le terrain juridique sur lequel il s’était placé, n’était pas, au point de vue politique, un bon terrain de combat. Aussi Dupleix put-il pousser sa pointe avec entrain, vigueur et décision. Si parfois il lui arriva de blesser son adversaire plus qu’il n’eût dû le faire, c’est la loi ordinaire des batailles, où il est difficile et parfois dangereux de modérer les coups. Si Dupleix avait été moins brutal, peut-être n’eût-il pas triomphé et Madras fût-il demeuré aux Anglais.

Il nous reste maintenant, à voir non plus si la Bourdonnais avait le droit de conclure le traité de rançon, mais si les conditions dans lesquelles il le signa éloignent de lui