Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours le nombre. Admettons, si l’on veut, le chiffre le plus faible, du moins comme combattants ; c’était déjà une troupe suffisante pour nous faire subir un cruel échec. Mais la brume du matin voila sans doute aux uns et aux autres la réalité de la situation. À l’approche des nôtres, les Maures firent un grand feu de mousqueterie et de canons ; nous répondîmes avec beaucoup de vigueur ; puis, sans que l’action fut encore devenue très meurtrière, l’ennemi, on ne sait pourquoi, prit soudain la fuite dans la plus grande confusion et nous abandonna le champ de bataille, avec 120 tués seulement, tandis que nous n’avions eu que trois blessés.

La Tour arrivé peu de temps après la fin du combat fut chargé de maintenir l’ordre dans Saint-Thomé ; mais malgré ses précautions, il lui fut impossible d’empêcher ses soldats de piller toutes les boutiques du bazar.

L’affaire était à peine plus importante que celle où la Tour s’était distingué l’avant-veille ; cependant elle eut dans l’Inde tout entière un retentissement considérable. C’était la première fois que des Européens battaient en bataille rangée des forces indiennes relativement si nombreuses et la présence du fils du nabab à toute l’action ajoutait à l’éclat de sa défaite. Il était enfin prouvé que la politique d’humiliation à l’égard des nababs et des rajahs que l’on suivait depuis l’origine était une conception erronée et qu’on pouvait, si on le voulait, en finir avec leurs vexations et leurs avanies, et ainsi se trouvaient justifiés les pressentiments de Dupleix, lorsque dès 1735 il se faisait fort, si on lui envoyait quelques troupes, de tenir en échec le nabab de Mourchidabad et l’on se rappelle que le 2 août précédent il déclarait à Ananda qu’avec quelques centaines d’hommes il pourrait amener à composition tous les princes de l’Inde au sud de la Kistna.