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interprètes qui avaient servi les Anglais et continuaient d’être payés par eux, pouvaient d’autant moins nous seconder qu’ils s’attendaient à notre départ en janvier ; les macouas, qui sont les bateliers indigènes, ne travaillaient qu’avec répugnance et désertaient tous les jours. Toutefois les rapports les plus délicats devaient être ceux avec le conseil anglais ou plutôt avec Morse.

Ne voulant pas qu’on put nous accuser d’avoir enfreint les premiers les conventions, d’Espréménil fut d’abord assez large dans leur application. Morse lui ayant demandé le 24 octobre un passeport pour 18 hommes se rendant à Goudelour conformément aux termes du traité de capitulation, il n’hésita pas à le lui accorder. Cependant — et ce n’était pas une des moindres étrangetés de ce traité, — il n’était pas douteux qu’à la première occasion ces hommes combattraient contre nous[1]. Dupleix s’en rendait si bien compte qu’au même moment il faisait arrêter à Ariancoupon une centaine de soldats anglais qui allaient au Fort St-David munis d’un passeport de la Bourdonnais[2].

D’Espréménil avait besoin de fusils, la part qui nous revenait ayant été perdue dans le naufrage du Duc d’Orléans. S’il eut été réellement le maître de la place, il les eut exigés : il se vit au contraire contraint de demander à Morse de lui en prêter ou de lui en vendre. Sur le refus persistant du gouverneur, nous dûmes enfin faire enfoncer la porte de la salle d’armes et prendre toutes celles qui nous étaient nécessaires.

C’était le droit des Anglais de chercher à paralyser nos efforts ; mais il n’était guère douteux qu’avec cet esprit on ne tarderait pas à les prendre réellement en faute. C’était

  1. A. P. t. 16. Lettre de d’Espréménil à Dupleix du 24 oct.
  2. Ananda, t. III, p. 32 et 34.