Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/50

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Un habitant de Chandernagor qui se trouvait à Pondichéry au moment de la retraite des Marates écrivait en France que l’accueil fait aux Maures arrivés avec Sabder-Ali leur avait fait concevoir de la nation une idée toute autre que celle qu’ils s’étaient formée ; l’opinion qu’ils avaient eue du chef en particulier avait été singulièrement relevée, ils avaient été frappés de sa sagacité, de son génie et de son éloquence.

Ce qui l’avait le plus surpris, c’était de voir un ennemi puissant demander l’amitié de ceux qu’il voulait précédemment écraser. Un résultat si avantageux ne pouvait être attribué qu’aux mesures sages et bien concertées du gouverneur. Aux Maures, il avait accordé l’asile qu’ils demandaient, sans rien exiger en retour et leur reconnaissance n’en avait été que plus naturelle et plus profonde ; aux Marates il n’avait pas opposé un de ces refus brutaux qu’autorise souvent une vanité mal placée, mais il avait répondu à leurs menaces avec la fermeté qu’inspire le courage animé d’un bon droit, et sans jamais sortir de la modération il leur avait fait voir que leurs provocations étaient injustes. En même temps il n’avait rien omis pour pénétrer leurs sentiments les plus cachés et avec une grande habileté il s’était ménagé jusque dans leur conseil des intelligences qui l’avaient instruit de leurs moindres démarches.

Une conduite aussi honorable lui avait attiré l’estime des nations orientales, ses ennemis mêmes ne pouvaient lui refuser leur approbation et son mérite servait notre influence. Les Maures jusque-là si méprisants étaient soudain devenus plus sociables et promettaient à la Compagnie de protéger son commerce de préférence à tous les autres et d’augmenter nos établissements dans tous les endroits de leur domination. (A. C. C2 79, p. 210, 219-220).