Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

§ 3.

Tous ces événements avaient jeté la ville dans l’alarme et la confusion, et le gouverneur lui-méme avait perdu son assurance. Les basses classes avaient déjà fui pour la plupart après le débarquement des Anglais à Virampatnam ; ce fut maintenant le tour des notables. Dès le 30 au soir, on en vit un grand nombre se diriger vers la porte de Valdaour, emportant avec eux leurs objets les plus précieux[1]. La famille de Chanda Sahib, qui jouissait de notre hospitalité depuis sept ans, se retira à Valdaour. Dupleix se demandait pourquoi tous ces gens avaient peur et prenaient la fuite : « Voyez-vous, lui répondit Ananda, les Tamouls ne connaissent pas la guerre ; ils ne sont pas bien savants ; ils ne comprennent pas les affaires de pays à pays. S’ils fuient épouvantés, c’est qu’ils ne se rendent pas compte de ce qui peut arriver. Les femmes, du reste, ne savent pas raisonner comme les hommes, et voyant leur frayeur, les hommes sont troublés à leur tour[2]. »

L’exode de la population avait au moins l’avantage de laisser plus de vivres disponibles dans la ville, le jour où Boscawen viendrait l’assiéger. Ce ne fut pourtant pas son

  1. Ananda nous raconte à ce sujet (t. 6, p. 284). que Madame Dupleix avait secrètement posté à nos limites une quinzaine des pions dont elle disposait, et que là ils prenaient aux fugitifs leur argent, leurs joyaux et jusqu’à leurs boucles d’oreille. Et il ajoute : « les Européens et Cheick Ibrahim le savent, mais ils n’osent le dire, de peur d’être l’objet de fausses accusations. Depuis quatre mois M. Dupleix a cessé de diriger les affaires. Madame gouverne à sa place. Européens, tamouls et musulmans sont d’accord pour dire qu’il n’y a pas de remède et que la ville est en danger. Je ne sais pas quand Dieu voudra mettre fin au gouvernement de cette femme et protéger le peuple. »
  2. Vinson, p. 198.