Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/533

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Madame Dupleix parlait le tamoul comme sa langue maternelle. Le gouverneur lui donna donc, comme à la personne en qui il put avoir le plus de confiance, le soin de démêler les intrigues qui pouvaient se nouer autour de lui et de rassembler les renseignements les plus utiles à notre cause. Comme il n’avait pas moins de confiance en son courtier et qu’il l’avait chargé de la même mission, il arriva dans la pratique des froissements très vifs entre Ananda et Madame Dupleix et celle-ci, qui ne connaissait pas les moyens dont disposait l’Indien, ne cessait d’importuner son mari pour qu’il le disgraciât et le rejetât du service ; elle ne négligea rien pour le perdre de réputation. Le grand mérite de Dupleix est d’avoir su utiliser ces deux concours sans jamais les sacrifier l’un à l’autre ; peut-être trouvait-il en leur antagonisme un moyen plus sûr de démêler la vérité.

On approuvera sans doute un peu moins que Dupleix ait donné à sa femme le commandement effectif de cent pions qui étaient chargés de faire le coup de feu comme les autres et qu’Ananda ne cesse de nous représenter comme d’effroyables voleurs et coupeurs de bourses, d’autant plus assurés de l’impunité qu’ils se sentaient couverts par une protection plus puissante. Personne, pas même les Européens, pas même les conseillers, n’osait s’élever contre leurs brigandages. Il est possible que le récit d’Ananda soit un peu exagéré ; il savait la guerre sans merci que lui faisait Madame Dupleix et, malgré la bonne foi évidente de ses écrits, malgré la sincérité qui s’en dégage, on est quand même tenté d’attribuer ses jugements un peu vifs à quelque ressentiment obscur.

Il n’en est pas moins vrai que Dupleix eut tort de confier à sa femme un rôle aussi apparent ; il y gagna de s’y couvrir d’un certain ridicule ; chacun disait hautement