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avoir été conquis de part et d’autre. Madras était donc implicitement restitué aux Anglais[1].

Le ministre et la Compagnie n’avaient pas attendu la signature de ce traité pour envoyer à Dupleix de nouvelles et définitives instructions. Un courrier était en partance pour l’Inde ; ils écrivirent le 15 octobre par lettres chiffrées :

« Si, lui écrivait la Compagnie, les ordres de la cour n’ont pu vous parvenir que trop tard, nous espérons que vous et le Conseil à qui ils ont été adressés, vous n’aurez pas eu le temps de les faire mettre à exécution. Si cependant contre notre attente il en était autrement, il est de la dernière importance aujourd’hui que cette affaire roule entièrement sur vous et le Conseil supérieur et que la cour ne paraisse jamais y avoir eu part directement ou indirectement. Pour cet effet il est d’une nécessité absolue qu’il ne reste aucun vestige dans les archives de Pondichéry de ce qui vous a été écrit sur ce sujet ainsi qu’au Conseil supérieur. Vous devez comprendre la force des raisons qui nous obligent de prendre cette précaution, qui, bien loin de vous être de quelque préjudice pour ce qui vous regarde personnellement, ne pourra que tourner à votre avantage en vous rendant plus agréable à la cour et à la Compagnie. »

Le Ministre lui écrivait de son coté :

« Quel que soit le parti que vous aurez pris là-dessus, Sa

  1. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner si ce traité conclu au lendemain d’une guerre victorieuse, sans nous laisser autre chose que des satisfactions d’amour-propre, n’a pas été plus malheureux pour la France que le traité de Paris signé quinze ans plus tard après des revers répétés et si l’on ne doit pas plutôt reprocher à Louis XV d’avoir abandonné les Pays-Bas qu’il avait conquis et qu’il tenait que d’avoir sacrifié en 1763 les Indes et le Canada qui nous étaient déjà pris. Quoiqu’il en soit, on ne saurait nier que le traité d'Aix-la-Chapelle ne créa en France un profond désenchantement et ne contribua pas peu au désarroi moral qui commença à cette époque et discrédita insensiblement l’autorité royale et les principes de l’ancienne monarchie.