Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/59

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ainsi que Godeheu, dont l’esprit eut mieux brillé dans la capitale, séjourna à Lorient pendant quatorze ans, sauf une courte interruption en 1741 et 1742, où il fut appelé à Paris. Dans ce poste éloigné, il lui était difficile d’être au courant des nouvelles les plus récentes et d’exercer par ses conseils ou ses renseignements une action quelconque sur les événements ; mais rien de ce qui se passait en haut lieu ne lui était indifférent et il suivait avec la plus grande attention les affaires de la Compagnie.

Autant qu’on peut en juger par sa correspondance avec Dupleix (B. N. 9.148 ; p. 180-244), c’était un esprit très cultivé, assez fin et très sensible. Il avait certaines dispositions à se froisser facilement et alors il retirait sa confiance comme une fleur qui se referme sur elle-même, sans murmure et sans éclat. Il est le seul des correspondants de Dupleix dont le style vise à l’élégance et y parvienne assez souvent. Ses appréciations sur les hommes et sur les choses ne sont pas exemptes de passion, mais elles sont en général justes et pleines de bon sens.

Comme les autres directeurs et presque tous les grands personnages du royaume, il était nettement hostile au développement territorial de la Compagnie et pensait que les comptoirs existants suffisaient pour maintenir et même accroître son commerce. C’est pourquoi sans doute il avait peu de sympathie pour Dumas, à qui il reprochait d’autre part d’avoir fait ses affaires aux dépens de celles de la Compagnie, et dont il n’appréciait ni le luxe ni la magnificence. Il ne l’approuvait même pas d’avoir accueilli à Pondichéry la famille du nabab d’Arcate et craignait qu’on eût quelque jour à se repentir de cet acte de générosité. Il allait jusqu’à dire que Dumas n’avait demandé son rappel que pour éviter qu’on le lui proposât. (B. N. 9.148 ; p. 195-202 et 203-206).