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Ses sentiments à l’égard de la Bourdonnais étaient plus défavorables encore. Dès 1742, il jugeait ses projets « souvent insensés ou très hasardés ». IL ne concevait pas qu’on gaspillât pour lui tant d’argent alors qu’on était si parcimonieux pour d’autres ; à son avis, le gouverneur des Îles ne méritait pas les faveurs du ministre ; il fallait qu’il fût sorcier pour les obtenir. (B. N. 9.148, p. 195-202).

La liberté avec laquelle Godeheu parle de ces deux hommes permet de supposer que Dupleix n’était peut-être pas éloigné de partager à leur égard les mêmes sentiments ; il n’y a aucun doute en tout cas pour la Bourdonnais, sur qui il portait dès 1736 les jugements les plus durs. Mais si l’on fait attention que Godeheu reprochait surtout à l’un et à l’autre ce qui dans sa pensée était du désordre financier ou la manie des grands projets, on sera moins surpris, lorsqu’il se trouva après 1750 en présence des vastes conceptions de Dupleix, qu’il ait éprouvé de la peine à les approuver et se soit au contraire résolu à les combattre.

En attendant, il était et il resta l’un des plus sincères admirateurs de l’homme et de son œuvre. Il l’avait prouvé dès son retour en France en adressant au ministre un mémoire où il expliquait l’affaire des roupies à l’avantage de Dupleix et ce fut ce mémoire qui retourna l’opinion acquise jusqu’alors à Dumas et lui valut au contraire un blâme mal dissimulé.

L’estime et l’admiration de Godeheu ne firent que s’accroître au fur et à mesure que Dupleix donnait de nouvelles preuves de ses capacités : chacune de ses lettres en fait foi. Et si l’on songe au drame qui se déroula en 1754, il serait curieux de les reproduire presque intégralement, mais elles sont trop nombreuses et il faut nous borner aux extraits essentiels.