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le vagabond

Le magistrat reprit : « Je vais vous faire mettre en liberté, mais que je ne vous y reprenne pas ! »

Le charpentier répondit : « J’aime mieux que vous me gardiez. J’en ai assez de courir les chemins. »

Le maire prit un air sévère :

― Taisez-vous.

Puis il ordonna aux gendarmes :

― Vous conduirez cet homme à deux cents mètres du village, et vous le laisserez continuer son chemin.

L’ouvrier dit : « Faites-moi donner à manger, au moins. »

L’autre fut indigné : « Il ne manquerait plus que de vous nourrir ! Ah ! ah ! ah ! elle est forte celle-là ! »

Mais Randel reprit avec fermeté : « Si vous me laissez encore crever de faim, vous me forcerez à faire un mauvais coup. Tant pis pour vous autres, les gros. »

Le maire s’était levé, et il répéta : « Emmenez-le vite, parce que je finirais par me fâcher. »

Les deux gendarmes saisirent donc le charpentier par les bras et l’entraînèrent. Il se laissa faire, retraversa le village, se retrouva sur la route ; et les hommes l’ayant conduit à deux cents mètres de la borne kilométrique, le brigadier déclara :

― Voilà ; filez et que je ne vous revoie point