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des abénakis.

Quelques heures après, Madame Johnson avait mis au monde une fille. Les sauvages parurent fort contents à cette nouvelle. Ils apportèrent du linge pour envelopper l’enfant, des épingles et des écorces pour attacher ses vêtements, et une grande cuillère de bois[1], pour le faire manger. Ils décidèrent de passer le reste du jour en cet endroit, afin de laisser reposer la malade, et employèrent ce temps à faire une espèce de litière pour la porter.

Le 2, nos voyageurs se mirent en route de grand matin. La malade et son enfant furent placés sur la litière ; Johnson, Labarre et Farnsworth furent chargés de la porter alternativement ; Marie-Anne Willard et le jeune Silvanus furent placés sur le cheval, et les deux petites filles furent portées par leurs maîtres. On marcha environ deux heures, et il fut impossible alors d’aller plus loin, parceque les porteurs de la litière étaient tellement fatigués qu’ils ne pouvaient plus marcher.

Les sauvages, fort embarrassés, se réunirent en conseil, pour délibérer sur le parti qu’ils devaient prendre. Il leur répugnait beaucoup de porter eux-mêmes la malade ; car, suivant eux, il ne convenait pas à des guerriers de porter une femme étrangère, même dans le cas d’une extrême nécessité. Dans cet embarras, quelqu’un proposa d’abandonner la malade dans la forêt ; mais tous les autres rejetèrent cette proposition avec horreur, disant qu’ils ne consentiraient jamais à

  1. Les Abénakis nomment ces cuillères « Amkun ». Les voyageurs canadiens s’en servent aussi et les nomment « Micouaines. » Il est évident que ce mot vient de l’expression abénakise.