Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/254

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plus en plus librement sa part du commun fardeau, et sent de moins en moins la nécessité d’un pouvoir extérieur pour régler, à la satisfaction de tous et de chacun, le jeu complexe du mécanisme social exigé par le milieu. Soumises à mille et mille influences, les voies de l’histoire, comme celles de la nature, ne sont jamais rectilignes, mais, par le seul fait de l’agglomération du travail et de l’expérience des générations successives, la règle générale, la norme ne saurait être que le progrès, tel que nous l’avons défini plus haut. L’amplitude et la rapidité des variations progressives croissent nécessairement à mesure qu’augmente la puissance de l’homme sur l’espace et le temps ; la valeur historique des âges n’est point proportionnée à leur durée. L’humanité, à ses premiers siècles, n’avançait qu’à pas de tortue sur ce même chemin qu’aujourd’hui nous parcourons à toute vapeur, et si nous jugeons des temps anciens sans tenir compte de cette « perspective historique », une illusion inévitable nous montre un arrêt, une halte, là où, en réalité, nos pères marchaient péniblement, mais sûrement, vers le progrès. C’est à un mirage analogue qu’il faut rapporter le prétendu caractère « immuable » de l’ancienne Égypte, si complaisamment dépeint par tant d’auteurs, depuis Hérodote jusqu’à Charles et François Lenormant, en passant par Bossuet, et que les découvertes modernes ont renvoyé au domaine de ces fictions vénérables, tombées en poussière au premier souffle de la science et de la vérité.