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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES

Pandjab, les Magadha surtout ne sont plus considérés comme de vrais Aryas ; on les accuse d’ignorer les Védas et les sacrifices, de manger de la chair, de pratiquer comme les Naïrs les coutumes matriarcales, d’avoir la peau jaune[1]. La civilisation de l’Inde n’est certes pas une œuvre aussi exclusivement aryenne qu’on le prétend, mais la confusion des races et des langues, témoin la légende de la tour de Babel, a été bien grande aussi en Égypte et dans l’Asie antérieure : tout ce qui, dans l’histoire du bassin de l’Indus et du Gange, peut flatter nos modernes sentiments démocratiques, n’est point exclusivement l’œuvre du génie aryen. Gardons-nous de subordonner artificiellement à une idée préconçue les quelques notions historiques éparses dans les Védas, les poèmes épiques, les Brahmana et les Pourana ; n’attribuons pas en bloc à la corruption de ce génie par l’influence de races réprouvées les institutions qui, dans une société méditerranéenne ou océanique, devraient être regardées comme des preuves manifestes de dégénérescence. Comparée à l’anarchie communaliste des premiers temps védiques, l’Inde du Mahabharata et du Manava dharma sastra présente le spectacle d’une notable dégradation sociale, mais n’oublions pas que l’Inde primitive, avec sa sève et sa verdeur, n’avait pas plus de droit à figurer dans l’histoire que les libres djemaa des Kabyles ou certaines commu-

  1. Ch. Lassen, ouv. cité.