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sa cour, et seconda efficacement don Joseph Moñino, appelé depuis Florida Blanca. Lorsque celui-ci parvint au premier ministère, le chevalier d’Azara fut de même chargé des affaires, ménagea habilement les intérêts de sa cour, et eut part aux négociations relatives à l’expulsion des jésuites. Florida Blanca fut remplacé par le duc Grimaldi, qui n’avait ni les mêmes talents ni la même fermeté que lui. Au surplus, le duc Grimaldi n’avait que le titre d’ambassadeur ; le chevalier d’Azara en exerçait véritablement les fonctions. Il se montra toujours l’ami de Pie VI, à qui il donna d’utiles conseils. Aussitôt après la mort du duc Grimaldi, d’Azara fut choisi pour lui succéder. Pendant près de vingt ans, le chevalier d’Azara et le cardinal de Bernis eurent auprès de la cour de Rome le plus grand crédit. Azara se lia avec tout ce que cette ville réunissait de plus célèbre et de plus distingué : les cardinaux de Bernis, Albani et Borgia, le célèbre antiquaire Winckelmann, Féa, Dagincourt, Marini, Visconti, Dutheil, Artéaga, Casti, etc., et aussi les grands artistes Picliler, Canova, Volpato, Angelica Kaufmann, Gawit, Hamilton, etc., ont été ses amis. D’Azara se montra le protecteur zélé des artistes et des gens de lettres : il leur rendait accessibles les bibliothèques et les musées ; il leur faisait obtenir du travail ou des places, et il les garantissait des abus de l’autorité. Mengs reçut par lui, du roi d’Espagne, la permission de rester à Rome, en conservant son traitement de 6 000 piastres, comme premier peintre du roi. Après la mort de cet artiste, le chevalier d’Azara obtint de sa cour des pensions pour ses enfants, et, pendant son long séjour à Rome, après s’être montré le père de la famille de son ami, il voulut encore élever un monument a sa gloire, en faisant publier, chez le célèbre imprimeur Bodoni, et par les soins de Milizia, une magnifique édition de ses œuvres, en tête de laquelle il plaça lui-même une élégante notice sur sa vie. (Voy. Mengs.) Quoiqu’il n’aimât pas les jésuites, et qu’il eût contribué à leur suppression, plusieurs membres distingués de cet ordre, tels qu’Andrés, Requeño, Eximeno, Clavigero, Ortiz, et surtout Artéaga, entretinrent avec lui des liaisons d’amitié, et eurent part à ses bienfaits. Azara eut aussi plusieurs occasions de donner lui-même des preuves de son goût pour les beaux-arts. À la mort de Charles III, en 1788, il fit ériger, dans l’église de St-Jacques de la nation espagnole, un temple monoptère d’ordre dorique, dans lequel fut placé le cénotaphe du roi : l’urne était copiée d’après le superbe cénotaphe de porphyre connu à Rome sous le nom de tombeau d’Agrippa. Ce monument éprouva quelques critiques ; on n’avait encore aucun exemple d’un monoptère carré. Un ami du chevalier d’Azara publia une notice dans laquelle il faisait mention d’un édifice semblable, qu’éleva Pausanias dans Olympie, à la mémoire d’oxylus, et cependant les adversaires du chevalier d’Azara ne furent pas pour cela convaincus. Il entreprit, avec le prince de Santa-Croce, des fouilles à Tivoli, dans la villa des Pisons ; on y découvrit un grand nombre de têtes, la plupart sans bustes, auxquelles le chevalier d’Azara imposa des noms trop arbitrairement. Plusieurs de ces têtes ont été gravées pour l’édition de sa belle traduction espagnole de la Vie de Cicéron, par Middleton, Madrid, l790, 4 vol. in-4°, qui est principalement remarquable par la noblesse et la correction du style. Sa principale découverte a été le buste authentique d’Alexandre, dont il lit hommage à Bonaparte, et qui est aujourd’hui un des ornements du musée de Paris ; il trouva encore de jolies peintures à fresque, qui ont été copiées par Mengs, et gravées par Volpato, et deux curieuses mosaïques, dont les élégantes descriptions, publiées par Visconti, ont été imprimées par Bodoni. Il avait aussi formé une belle collection de tableaux et une suite de pierres gravées, qui ont paru en Espagne, et dont Millin a publié les plus intéressantes. Le long crédit du chevalier d’Azara commença à s’affaiblir à l’époque de la révolution française ; il se soutint cependant encore jusqu’en 1796. Les armées occupaient à cette époque le nord de l’Italie, et Bonaparte, saisissant le prétexte de quelques provocations faites aux révolutionnaires français qui se trouvaient à Rome, menaçait de venir les venger ; d’Azara, envoyé pour implorer la clémence du vainqueur, ne put atteindre entièrement le but de sa mission. Depuis ce moment, il n’éprouva plus que des amertumes, jusqu’à ce qu’enfin les Français s’étant rendus maîtres de Rome, il se retira à Florence. Quelque temps après, il fut nommé ambassadeur à Paris. Mais le calme dont il croyait jouir fut bientôt troublé par une alternative de faveurs et de disgrâces. Après avoir deux fois perdu et recouvré sa place par des intrigues de cour, elle lui fut enfin ôtée pour la dernière fois, et il mourut bientôt après, le 26 janvier 1804, au moment où il se proposait de retourner en Italie pour reprendre ses études chéries. Ses funérailles furent suivies d’un nombreux concours. Il est mort sans postérité, et a laissé une collection considérable de meubles précieux, de bustes, de pierres gravées et d’autres productions des arts. Le chevalier d’Azara écrivait dans sa langue avec grâce et énergie ; il écrivait aussi en italien et en français avec facilité. Outre la Vie du peintre Manga, on lui doit un Éloge funèbre du roi Charles III, écrit en espagnol ; une traduction espagnole de l’ouvrage de Bowles, sur l’histoire naturelle et la géographie physique de l’Espagne, qui a été imprimée deux fois à Madrid, et traduite ensuite en italien, sur la seconde édition, par Milizia, Parme, 1785, in-4°, 2 vol. D’Azara avait aussi soigné le texte de la belle édition d’Horace imprimée par Bodoni, Parme, 1701, 2 vol. in-fol., et la publication du poème posthume du cardinal de Bernis, intitulé la Religion vengée, 1795, in-fol. (Voy. Bsnms.) Le portrait d’Azara a été gravé en camée par Pickler, et peint par Mengs. Il avait traduit dans sa langue le 6e livre de Pline, qui traite des arts, et commencé la traduction des œuvres de Sénèque le philosophe ; mais ces écrits n’ont pas vu le jour. M. Bourgoing a composé une notice sur sa vie, 1804, in-8°. d

AZARA (don Félix d’), ingénieur, puis brigadier général au service d’Espagne, était frère du précédent. Il naquit le 18 mai 1746 à Barbunales. Après avoir fait