Page:Michelet - La femme.djvu/311

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Quiconque enseigne une femme à ces degrés supérieurs, est son prêtre et son amant. La légende d’Héloïse et de la Nouvelle Héloïse n’est pas chose du passé, mais du présent, de l’avenir, en un mot, d’histoire éternelle.

Voilà pourquoi la vierge ne peut pénétrer dans l’art que jusqu’à un certain degré. Et voilà pourquoi le père est un précepteur incomplet. Il ne peut pas, ne veut pas qu’elle dépasse avec lui certaines régions sérieuses, froides encore. Il l’y conduit. Mais quand elle avance au delà dans sa chaleur jeune et pure, il s’arrête et se retire. Il s’arrête au seuil redoutable d’un nouveau monde, l’Amour.

Exemple. Pour les arts du dessin, il lui donne, dans sa noblesse, l’ancienne école florentine, telles madones de Raphaël et de sages tableaux du Poussin. Ce serait une impiété s’il lui enseignait le Corrége, ses frissons, son frémissement. Ce serait chose immorale de lui dire la profondeur maladive, la grâce fiévreuse, sinistre, de la mourante Italie dans le sourire de la Joconde.

Même la vie, la vie émue, ne s’enseigne que par l’amour. Quand la superbe Néréide, la blonde potelée de Rubens, dans la bouillonnante écume, trépigne, murmure l’hyménée, et déjà conçoit l’avenir, — tant pis pour la demoiselle qui sentirait ce mouvement, entendrait ce je ne sais quoi qui sort de sa