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DÉCADENCE DE L’EMPIRE

de la ruine de l’Empire. Le mal réel qui le minait ne tenait ni au gouvernement ni à l’administration. S’il eût été simplement de nature administrative, tant de grands et bons empereurs y eussent remédié. Mais c’était un mal social, et rien ne pouvait en tarir la source, à moins qu’une société nouvelle ne vînt remplacer la société antique. Ce mal était l’esclavage ; les autres maux de l’Empire, au moins pour la plupart, la fiscalité dévorante, l’exigence toujours croissante du gouvernement militaire, n’en étaient, comme on va le voir, qu’une suite, un effet direct ou indirect. L’esclavage n’était point un résultat du gouvernement impérial. Nous le trouvons partout chez les nations antiques. Tous les auteurs nous le montrent en Gaule avant la conquête romaine. S’il nous apparaît plus terrible et plus désastreux dans l’Empire, c’est d’abord que l’époque romaine nous est mieux connue que celles qui précèdent. Ensuite, le système antique étant fondé sur la guerre, sur la conquête de l’homme (l’industrie est la conquête de la nature), ce système devait, de guerre en guerre, de proscription en proscription, de servitude en servitude, aboutir vers la fin à une dépopulation effroyable. Tel peuple de l’antiquité pouvait, comme ces sauvages d’Amérique, se vanter d’avoir mangé cinquante nations.

J’ai déjà indiqué dans mon Histoire romaine comment, la classe des petits cultivateurs ayant peu à peu disparu, les grands propriétaires, qui leur succédèrent, y suppléèrent par les esclaves. Ces esclaves s’usaient rapidement par la rigueur des travaux qu’on leur im-