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HISTOIRE DE FRANCE

Hertha. Parmi tant de révolutions qui se faisaient au nom de ces rois, vainqueurs, vaincus, leur sort changeait peu. Ils passaient du palais au cloître, sans remarquer la différence. Souvent même le maire vainqueur quittait son roi pour le roi vaincu, si celui-ci figurait mieux. Généralement ces pauvres rois ne vivaient guère ; derniers descendants d’une race énervée, faibles et frêles, ils portaient la peine des excès de leurs pères. Mais cette jeunesse même, cette inaction, cette innocence dut inspirer au peuple l’idée profonde de la sainteté royale, du droit du roi. Le roi lui apparut de bonne heure comme un être irréprochable, peut-être comme un compagnon de ses misères, auquel il ne manquait que le pouvoir pour en être le réparateur. Et le silence même de l’imbécillité ne diminuait pas le respect. Cet être taciturne semblait garder le secret de l’avenir. Dans plusieurs contrées encore, le peuple croit qu’il y a quelque chose de divin dans les idiots, comme autrefois les païens reconnaissaient la divinité dans les bêtes.

Après les Mérovingiens, dit Éginhard, les Francs se constituèrent deux rois. En effet, cette dualité se retrouve presque partout au commencement de la dynastie Carlovingienne. Ordinairement deux frères règnent ensemble : Pepin et Martin, Pepin et Carloman, Carloman et Charlemagne. Quand il y a un troisième frère (par exemple Grifon, frère de Pepin-le-Bref), il est exclu du partage.

Cette royauté de Pepin, fondée par les prêtres, fut dévouée aux prêtres. Le descendant de l’évêque Arnulf,