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CARLOVINGIENS

Au-dessous encore existaient d’autres assemblées : celles des vicaires, des centeniers ; que dis-je, les moindres bénéficiers, les intendants des fermes royales, tenaient des plaids comme les comtes.

Certes, l’ordre apparent ne laisse rien à désirer, les formes ne manquent pas ; on ne comprend pas un gouvernement plus régulier. Cependant il est visible que les assemblées générales n’étaient pas générales ; on ne peut supposer que les missi, les comtes, les évêques, courussent deux fois par an après l’empereur dans les lointaines expéditions d’où il date ses Capitulaires, qu’ils gravissent tantôt les Alpes, tantôt les Pyrénées, législateurs équestres, qui auraient galopé toute leur vie de l’Èbre à l’Elbe. Le peuple, encore bien moins. Dans les marais de la Saxe, dans les marches d’Espagne, d’Italie, de Bavière, il n’y avait là que des populations vaincues ou ennemies. Si le nom du peuple n’est pas ici un mensonge, il signifie l’armée. Ou bien quelques notables qui suivaient les grands, les évêques, etc., représentaient la grande nation des Francs, comme à Rome les trente licteurs représentaient les trente curies aux comitia curiata. Quant aux assemblées des comtes, les boni homines, les scabini (schœffen) qui les composent sont élus par les comtes, avec le consentement du peuple : le comte peut les déplacer. Ce ne sont plus là les vieux Germains jugeant leurs pairs ; ils ont plutôt l’air de pauvres décurions, présidés, dirigés par un agent impérial. La triste image de l’empire romain se reproduit dans cette jeune caducité de l’empire barbare.