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HISTOIRE DE FRANCE

Oui, l’Empire est restauré ; il ne l’est que trop : le comte tient la place des duumvirs, l’évêque rappelle le défenseur des cités ; et ces hérimans (hommes d’armée), qui laissent leurs biens pour se soustraire aux accablantes obligations qu’il leur impose, ils reproduisent les curiales romains[1], propriétaires libres, qui trouvaient leur salut à quitter leur propriété, à fuir, à se faire soldats, prêtres, et que la loi ne savait comment retenir.

La désolation de l’Empire est la même ici. Le prix énorme du blé, le bas prix des bestiaux indiquent assez que la terre reste en pâturage[2]. L’esclavage, adouci il est vrai, s’étend et gagne rapidement. Charlemagne gratifie son maître Alcuin d’une ferme de vingt mille esclaves. Chaque jour les grands forcent les pauvres à se donner à eux, corps et biens ; le servage est un asile où l’homme libre se réfugie chaque jour.

Aucun génie législatif n’eût pu arrêter la société sur la pente rapide où elle descendait. Charlemagne ne fit que confirmer les lois barbares. « Lorsqu’il eut pris le nom d’empereur, dit Éginhard, il eut l’idée de remplir les lacunes que présentaient les lois, de les corriger, et d’y mettre de l’accord et de l’harmonie. Mais il ne fit qu’y ajouter quelques articles, et encore imparfaits. »

Les Capitulaires sont en général des lois administra-

  1. Le curiale devait avoir au moins vingt-cinq arpents de terre ; l’hériman, de trente-six à quarante-huit.
  2. Un bœuf, ou six boisseaux de froment valaient deux sous ; — cinq bœufs, ou une robe simple, ou trente boisseaux, dix sous ; — six bœufs, ou une cuirasse, ou trente-six boisseaux, douze sous. (M. Desmichels.)