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HISTOIRE DE FRANCE

n’en était que plus ardent dans ses folles passions. À cet âge d’action, l’homme que les circonstances empêchent d’agir, se retourne avec violence vers la jeunesse qui s’en va, vers les caprices d’un autre âge ; mais il y porte une fantaisie tout autrement difficile, insatiable ; tout y passe, rien n’y suffit ; le plaisir d’abord, mais c’est bientôt fini ; puis, dans le plaisir, l’aigre saveur du péché secret ; puis le secret dédaigné, les jouissances insolentes du bruit, du scandale.

La petite reine de Charles VI n’était pas ce qu’il lui fallait ; il n’aimait que les grandes dames, c’est-à-dire les aventures, les enlèvements, les folles tragédies de l’amour. Il prit ainsi chez lui la dame de Canny, et il la garda, au vu et au su de tout le monde, jusqu’à ce qu’il en eut un fils. Ce fut le fameux Dunois.

Fut-il l’amant des deux Bavaroises, de Marguerite, femme de Jean-sans-Peur, et de la reine Isabeau, propre femme de son frère, la chose n’est pas improbable. Ce qui est sûr, c’est qu’il semblait fort uni avec Isabeau au conseil et dans les affaires ; une si étroite alliance d’un jeune homme trop galant avec une jeune femme qui se trouvait comme veuve du vivant de son mari, n’était rien moins qu’édifiante.

Maître de la reine, il semblait vouloir l’être du royaume. Il profita d’une rechute de son frère pour se faire donner par lui le gouvernement de la Normandie. Cette province, la plus riche de toutes, avait