Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
LE DUC D’ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE

été convoitée par le feu duc de Bourgogne. Le duc d’Orléans, qui ne pouvait plus tirer d’argent de Paris, eût trouvé là d’autres ressources. C’était aussi des ports de Normandie qu’il eût pu le mieux diriger contre l’Angleterre, les capitaines de son parti. L’expédition du comte de La Marche, préparée à Brest, n’avait abouti à rien ; elle eût peut-être réussi en partant d’Honfleur ou de Dieppe. Les Normands, sans doute encouragés sous main par le parti de Bourgogne, reçurent fort mal leur nouveau gouverneur ; il essaya en vain de désarmer Rouen[1]. Il y avait une grande imprudence à irriter ainsi cette puissante commune. Les capitaines des villes et forteresses gardèrent leurs places, contre lui, jusqu’à nouvel ordre du roi.

Cette tentative du duc d’Orléans sur la Normandie excita de grandes défiances contre lui dans l’esprit de Charles VI, lorsqu’il eut une lueur de bon sens. On s’adressa aussi à son orgueil. On lui apprit dans quel honteux abandon sa femme et son frère le laissaient[2] ; on lui dit que ses serviteurs n’étaient plus payés, que

  1. Ceux de Rouen répondirent avec dérision : « Nous porterons nos armes au château, c’est-à-dire que nous irons armés, armés aussi nous reviendrons. »
  2. « C’estoit grande pitié de la maladie du roy, laquelle luy tenoit longuement. Et quand il mangeoit, c’estoit bien gloutement et louvissement. Et ne le pouvoit-on faire despoüiller, et estoit tout plein de poux, vermine et ordure. Et avoit un petit lopin de fer, lequel il mit secrettement au plus près de sa chair. De laquelle chose on ne sçavoit rien, et luy avoit tout pourry la pauvre chair, et n’y avoit personne qui ozast approcher de luy pour y remedier. Toutefois il avoit un physicien qui dit qu’il estoit necessité d’y remedier, ou qu’il estoit en danger, et que de la garison de la maladie il n’y avoit remede, comme il luy sembloit. Et advisa qu’on ordonnast quelque dix ou douze compagnons des-