Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
HISTOIRE DE FRANCE

raisons en l’honneur des douze apôtres, appuyées de nombreux exemples bibliques.

Cet épouvantable fatras n’a pas moins de quatre-vingt-trois pages dans Monstrelet. Le copier, ce serait à en vomir. Il faut résumer. Tout peut se réduire à trois points :

1. Le duc de Bourgogne a tué pour Dieu[1]. Ainsi Judith, etc. Le duc d’Orléans n’était pas seulement l’ennemi du peuple de Dieu, comme Holopherne. Il était l’ennemi de Dieu, l’ami du Diable ; il était sorcier[2]. La diablesse Vénus lui avait donné un talisman pour se faire aimer, etc.

2. Le duc de Bourgogne a tué pour le roi. Il a, comme bon vassal, sauvé son suzerain des entreprises d’un vassal félon.

3. Il a tué pour la chose publique, et comme bon citoyen. Le duc d’Orléans était un tyran. Le tyran doit être tué, etc.[3].

Mais il faut lire l’original. Il faut voir dans sa laideur ce monstrueux accouplement des droits et des systèmes contraires. Le cruel raisonneur prend indifféremment, et partout, tout ce qui peut, tant bien que mal, fonder le droit de tuer ; tradition biblique, classique, féodale, tout lui est bon, pourvu qu’on tue.

Le discours de Jean Petit ne mériterait guère d’atten-

  1. « Les légistes disent que toute occision d’homme, juste ou injuste, est homicide. Mais les théologiens disent qu’il y a deux manières d’homicides, etc. »
  2. App. 106.
  3. « Celui qui l’occit par bonne subtilité, par cautelle en l’épiant, pour sauver la vie de son roi… il ne fait pas nefas… » — Ceci fait penser aux Provinciales.