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LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS

tion, si c’était l’œuvre individuelle du pédant, l’indigeste avorton éclos du cerveau d’un cuistre. Mais non ; il ne faut pas oublier que Jean Petit était un docteur très important, très autorisé. Cette monstrueuse laideur de confusion et d’incohérence, ce mélange sauvage de tant de choses mal comprises, c’est du siècle, et non de l’homme. J’y vois la grimaçante figure du moyen âge caduque, le masque demi-homme, demi-bête de la scolastique agonisante.

L’histoire, au reste, ne présente guère d’objet plus choquant. On rirait de ce pêle-mêle d’équivoques, de malentendus, d’histoires travesties, de raisonnements cornus, où l’absurde s’appuie magistralement sur le faux. On rirait ; mais on frémit. Les syllogismes ridicules ont pour majeure l’assassinat, et la conclusion y ramène. L’histoire devient ce qu’elle peut. La fausse science, comme un tyran, la violente et la maltraite. Elle tronque et taille les faits, comme elle ferait des hommes. Elle tue l’empereur Julien avec la lance des croisades ; elle égorge César avec le couteau biblique, en sorte que le tout a l’air d’un massacre indistinct d’hommes et de doctrines, d’idées et de faits.

Quand il y aurait eu le moindre bon sens dans ce traité de l’assassinat, quand les crimes du duc d’Orléans eussent été prouvés et qu’il eût mérité la mort, cela ne justifiait pas encore la trahison du duc de Bourgogne. Quoi ! pour des fautes si anciennes, après une réconciliation solennelle, après avoir mangé ensemble et communié de la même hostie !… Et l’avoir tué de nuit, en guet-apens, désarmé, était-ce d’un