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LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS

quer le parlement, l’évêque de Paris ; les princes même intercédaient. Ces implacables pédants ne voulaient point lâcher prise.

Le dimanche 25 mai, un professeur de l’Université, Pierre-aux-Bœufs (cordelier, comme Jean Petit), lut devant le peuple les lettres royaux qui déclaraient que dorénavant on n’obéirait ni à l’un ni à l’autre pape. Cela s’appela l’acte de Neutralité. Aucune salle, aucune place n’aurait contenu la foule. La lecture se fit à la culture de Saint-Martin-des-Champs. Cette ordonnance n’est point dans le style ordinaire des lois. C’est visiblement un factum de l’Université, violent, âcre, et qui n’est pas sans éloquence : « Qu’ils tombent, qu’ils périssent, plutôt que l’unité de l’Église. Qu’on n’entende plus la voix de la marâtre : Coupez l’enfant, et qu’il ne soit ni à moi, ni à elle ; mais la voix de la bonne mère : Donnez-le lui plutôt tout entier… »

On ne s’en tint pas à des paroles. Un concile assemblé dans la Sainte-Chapelle détermina comment l’Église se gouvernerait dans la vacance du Saint-Siège. Benoît ne put être atteint ; il se sauva à Perpignan, entre le royaume d’Aragon, son pays, où il était soutenu, et la France, où il guerroyait contre le concile à force de bulles. Mais ses deux messagers furent pris, et traînés par les rues dans un étrange accoutrement ; ils étaient coiffés de tiares de papier, vêtus de dalmatiques noires aux armes de Pierre de Luna, et de plus chargés d’écriteaux qui les qualifiaient traîtres et messagers d’un traître. Ainsi équipés, ils furent mis dans un tombereau de boueurs, piloriés