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HISTOIRE DE FRANCE

compte. Les biens des lollards étaient confisqués ; un tiers revenait au juge ecclésiastique, un tiers au roi. Le dernier tiers était donné aux communes où l’on trouverait des hérétiques ; c’était un moyen ingénieux de prévenir leur résistance, de les allécher à la délation[1].

Les prélats, les barons, n’avaient mis leur homme sur le trône que pour régner eux-mêmes. Cette royauté qu’ils lui avaient donnée en gros, ils la lui reprirent en détail. Non contents de faire les lois, ils s’emparèrent indirectement de l’administration. Ils finirent par nommer au roi une sorte de conseil de tutelle, sans lequel il ne pouvait rien faire[2]. Il regretta alors d’avoir livré les lollards ; il essaya de soustraire aux prêtres le jugement des gens de ce parti. Il songeait, comme Richard II, à chercher un appui chez l’étranger ; il voulait marier son fils en France.

Mais son fils même n’était pas sûr. On a remarqué, non sans apparence de raison, qu’en Angleterre les aînés aiment moins leurs pères[3] ; avant d’être fils, ils

  1. Turner. En 1430 il n’en était plus ainsi ; tout revenait au roi.
  2. Ces conditions étaient plus humiliantes qu’aucune de celles qui avaient été imposées à Richard II. Il devait prendre seize conseillers, se laisser guider uniquement par leurs avis, etc.
  3. « Le droit de primogéniture met de la rudesse dans les rapports du père au fils aîné. Celui-ci s’habitue à se considérer comme indépendant ; ce qu’il reçoit de ses parents est à ses yeux une dette plus qu’un bienfait. La mort d’un père, celle d’un frère aîné, dont on attend l’héritage, sont sur la scène anglaise l’objet de plaisanteries que l’on applaudit et qui chez nous révolteraient le public. » (Mme de Staël.) — Je ne puis m’empêcher de rapprocher de ceci le mot de l’historien romain dans son tableau des proscriptions : « Il y eut beaucoup de fidélité dans les épouses, assez dans les affranchis, quelque peu chez les esclaves, aucune dans les fils ; tant, l’espoir une fois conçu, il est difficile d’attendre ! » (Velleius Paterculus.)