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HISTOIRE DE FRANCE

N’oublions pas que notre malheureux pays n’avait plus de gouvernement. Les deux partis ayant reflué au nord, au midi, le centre était vide ; Paris était las, comme après les grands efforts, le roi fol, le dauphin malade, le duc de Berri presque octogénaire. Cependant ils envoyèrent le maréchal de Boucicaut à Rouen, puis ils y amenèrent le roi, pour réunir la noblesse de l’Île-de-France, de la Normandie et de la Picardie. Les gentilshommes de cette dernière province reçurent ordre contraire du duc de Bourgogne[1] ; les uns obéirent au roi, les autres au duc ; quelques-uns se joignirent même aux Anglais.

Harfleur fut vaillamment défendu, opiniâtrement attaqué. Une brave noblesse s’y était jetée. Le siège traîna ; les Anglais souffrirent infiniment sur cette côte humide. Leurs vivres s’étaient gâtés. On était en septembre, au temps des fruits ; ils se jetèrent dessus avidement. La dyssenterie se mit dans l’armée et emporta les hommes par milliers, non seulement les soldats, mais les nobles, écuyers, chevaliers, les plus grands seigneurs, l’évêque même de Norwich. Le jour de la mort de ce prélat, l’armée anglaise, par respect, interrompit les travaux du siège.

Harfleur n’était pas secouru. Un convoi de poudre envoyé de Rouen fut pris en chemin. Une autre tenta-

  1. Le serviteur des ducs de Bourgogne, qui depuis fut leur héraut d’armes, sous le nom de Toison d’Or, avoue ceci expressément : « Y allèrent à puissance de gens, jà soit (quoique) le duc de Bourgogne mandât par ses lettres patentes, que ils ne bougeassent, et que ne servissent ni partissent de leurs hostels, jusques à tant qu’il leur fist sçavoir ». (Lefebvre de Saint-Remy.)