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HISTOIRE DE FRANCE

virent pas le roi. En troisième lieu, on les introduisit dans une tente intérieure, et le roi ne se montra pas encore. Enfin, on les conduisit au lieu où le roi siégeait. Là ils furent longtemps à genoux, et notre roi ne leur accorda pas un regard, sinon lorsqu’ils eurent été très longtemps agenouillés. Alors le roi les regarda, et fit signe au comte de Dorset de recevoir les clefs de la ville. Les Français furent relevés et rassurés[1]. »

Le roi d’Angleterre, avec ses capitaines, son clergé, son armée, fit son entrée dans la ville. À la porte, il descendit de cheval et se fit ôter sa chaussure ; il alla, pieds nus, à l’église paroissiale « regrâcier son Créateur de sa bonne fortune ». La ville n’en fut pas mieux traitée ; une bonne partie des bourgeois furent mis à rançon tout comme les gens de guerre ; tous les habitants furent chassés de la ville, les femmes même et les enfants ; on leur laissa cinq sols et leurs jupes[2].

Les vainqueurs, au bout de cette guerre de cinq semaines, étaient déjà bien découragés. Des trente mille hommes qui étaient partis, il en restait vingt mille ; et il en fallut renvoyer encore cinq mille, qui étaient blessés, malades ou trop fatigués. Mais, quoique la prise d’Harfleur fût un grand et important résultat, le roi, qui l’avait achetée par la perte de tant de soldats, de tant de personnages éminents, ne pouvait se présenter devant le pays en deuil, s’il ne relevait

  1. App. 165.
  2. App. 166.