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L’ANGLETERRE. — AZINCOURT

sévèrement, sans compagnie, sans distraction ; tout au plus la chasse au faucon[1], chasse de dames, qui se faisait ordinairement à pied, et presque sans changer de place. C’était un triste amusement dans ce pays d’ennui et de brouillard, où il ne faut pas moins que toutes les agitations de la vie sociale et les plus violents exercices, pour faire oublier la monotonie d’un sol sans accident, d’un climat sans saison, d’un ciel sans soleil.

Mais les Anglais eurent beau faire, il y eut toujours un rayon du soleil de France dans cette tour de Pomfret. Les chansons les plus françaises que nous ayons y furent écrites par Charles d’Orléans. Notre Béranger du quinzième siècle[2], tenu si longtemps en cage, n’en chanta que mieux.

C’est un Béranger un peu faible, peut-être, mais sans amertume, sans vulgarité, toujours bienveillant, aimable, gracieux ; une douce gaieté qui ne passe jamais le sourire ; et ce sourire est près des larmes[3]. On dirait que c’est pour cela que ces pièces sont si petites ; souvent il s’arrête à temps, sentant les larmes venir… Viennent-elles, elles ne durent guère, pas plus qu’une ondée d’avril.

Le plus souvent c’est, en effet, un chant d’avril et d’alouette[4]. La voix n’est ni forte, ni soutenue, ni

  1. Il y avait d’autres poètes parmi les prisonniers d’Azincourt, entre autres le maréchal Boucicaut.
  2. App. 181.
  3. App. 182.
  4. César, qui était poète aussi, et qui avait tant d’esprit, appela sa légion gauloise l’alouette (alauda), la chanteuse…