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HENRI V

Le rôle équivoque qu’il avait joué si longtemps, accusant les autres de trahison, tandis qu’il trahissait, ce rôle devait finir. Les Anglais remontant la Seine, menaçant Paris, il fallait lâcher Paris, ou les combattre. Mais, avec son éternelle tergiversation et sa duplicité, il avait énervé son propre parti ; il ne pouvait plus rien ni pour la paix, ni pour la guerre. Juste jugement de Dieu ; son succès l’avait perdu ; il était entré, tête baissée, dans une longue et sombre impasse, où il n’y avait plus moyen d’avancer, ni de reculer.

Le peuple de Rouen, de Paris, qui l’avait appelé, était Bourguignon sans doute et ennemi des Armagnacs, mais encore plus des Anglais. Il s’étonnait, dans sa simplicité, de voir que ce bon duc ne fît rien contre l’ennemi du royaume. Ses plus chauds partisans commençaient à dire « qu’il était en toutes ses besognes le plus long homme qu’on pût trouver[1] ». Cependant que pouvait-il faire ? Appeler les Flamands ? un traité tout récent avec l’Anglais ne le lui permettait pas[2]. Les Bourguignons ? ils avaient assez à faire de se garder contre les Armagnacs. Ceux-ci tenaient tout le centre : Sens, Moret, Créci, Compiègne, Montlhéry, un cercle de villes autour de Paris, Meaux et Melun, c’est-à-dire la Marne et la haute Seine. Tout ce dont il put disposer, sans dégarnir Paris, il l’envoya à Rouen ; c’était quatre mille cavaliers.

On pouvait prévoir de longue date que Rouen serait

  1. Journal du Bourgeois.
  2. App. 193.