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HENRI V

avec ses prisonniers d’abord, c’était le plus facile. Les tenant sous sa main, tristement, durement, il eut bon marché de leur fermeté.

Chacun des princes n’eut au commencement qu’un serviteur français[1]. Du reste honorablement, bon lit, sans doute bonne table ; mais le besoin d’activité n’en était que plus grand ; ils se mouraient d’ennui. Chaque fois que le roi d’Angleterre revenait dans son île, il faisait visite « à ses cousins d’Orléans et de Bourbon » ; il leur parlait amicalement, confidentiellement. Une fois il leur disait : « Je vais rentrer en campagne ; et pour cette fois, je n’y épargne rien ; je m’y retrouverai toujours ; les Français en feront les frais. » Une autre fois, prenant un air triste : « Je m’en vais bientôt à Paris… C’est dommage, c’est un brave peuple. Mais que faire ? le courage ne peut rien, s’il y a division[2]. »

Ces confidences amicales étaient faites pour désespérer les prisonniers. Ce n’étaient pas des Régulus. Ils obtinrent d’envoyer en leur nom le duc de Bourbon pour décider le roi de France à faire la paix au plus vite, en passant par toutes les conditions d’Henri ; qu’autrement ils se feraient Anglais et lui rendraient hommage pour toutes leurs terres[3].

C’était un terrible dissolvant, une puissante contagion de découragement, que ces prisonniers d’Azincourt qui venaient prêcher la soumission à tout prix.

  1. App. 194.
  2. « Ut communiter dicitur, divisa virtus cito dilabitur. » (Religieux.)
  3. Rymer, 27 janvier 1417.